Carmilla&Liam ♛ « Us. »

C'était idiot, mais depuis quelques temps, les rares fois où tu te réveillais dans ton propre lit te mettaient de mauvaise humeur, parce que cela signifiait que tu n'avais pas passé la nuit avec elle, lové dans ses bras, les sens engourdis par le sang ou l'amour. Les traces de son passage sur la peau de ton cou n'étaient déjà plus que des boursouflures rosâtres, que tu avais pris la mauvaise habitude de tâter à tout bout de champ sans t'en rendre compte.

Descendant les marches en suivant l'appétissant fumet d'œufs et de bacon, tu déboulas dans la cuisine en sifflotant. Mère-Grand te fusilla immédiatement du regard mais tu ne lui prêtas pas la moindre once d'attention, comme toujours. Tu avais cessé depuis longtemps de lui souhaiter le bonjour, précisément depuis qu'elle avait "confondu" le sucre et l'arsenic au moment de remplir le sucrier. Tu étais le seul de la famille à sucrer ton café. Tu ne saluas pas ton père non plus, et il fit de son mieux pour ne pas avoir l'air attristé. Mais comme vous saviez tous les deux que tu faisais ça pour lui, pour lui éviter les représailles de Mère-Grand qui lui reprochait toujours ton existence. Peut-être t'aurait-elle mieux accueilli dans la famille si ton père avait eu pour amante une Sorcière, histoire que tu sois au moins un Initié, et non un simple poids mort, une bouche supp' à nourrir sans rien à en retirer. Tu en arrivais à te demander pourquoi elle n'avait pas encore revendu tes organes à la mafia, du coup.

Sifflotant toujours aussi gaiement, ce qui eut pour effet d'hérisser de colère la vioque, tu te servis un copieux petit-déjeuner que tu engloutis en trente secondes chrono. Ce soir, tu avais rendez-vous, et ça te mettait en joie. Tu allais passer une douce soirée en bonne compagnie et la nuit s'annonçait probablement tout aussi délicieuse. En soi, Mère-Grand n'appliquait pas de couvre-feu mais tu n'avais personne d'assez proche que pour squatter chez lui, donc tu revenais systématiquement dans le giron familial. Si tu avais eu le loisir d'économiser et de choper un job suffisamment bien payé, tu aurais pu te barrer, mais on ne t'en laissait pas la possibilité. Et ce n'étaient pas les billets de cinquante pounds passés en douce par ton père qui allaient t'aider à avoir un appart.
Ce soir, tu avais rendez-vous avec Carmilla. Enfin, officiellement, non. Tu avais juste décidé en te levant que tu avais envie de la voir, et tu allais juste te pointer cher elle.

Tu avais prévu de passer la journée à l'extérieur, et tu aurais peut-être juste dû rester sous ta couette à attendre que le soir tombe. Mère-Grand avait pris la vilaine habitude de t'envoyer jouer au punching-ball, même si ça c'était calmé depuis quelques temps, mais certains semblaient ravis d'avoir pu se défouler sur toi et estimaient donc que tu pouvais continuer à remplir ce rôle. Ce fut la route de ceux-là que tu croisas. Ton visage resta intact, dieu merci, mais tu auras viré au mauve dégueulasse dès demain. Tu fis la grimace, assis contre le mur, en découvrant l'ampleur des dégâts. Certes, tu n'avais qu'à demander à la vampire de te guérir grâce à son sang, mais tu ne voulais pas devenir dépendant d'elle. Tu ne te faisais pas d'illusions ; tu étais humain, et une transformation en vampire t'effrayait : Carmilla ne resterait donc pas éternellement à tes côtés pour soigner le moindre de tes bobos. Plaquant un faux sourire sur ton visage, tu pris enfin le chemin qui te mènerait jusqu'à Carmilla.

Elle n'était pas (encore) là, comme te l'annonça platement celui qui t'ouvrit la porte, mais tu fus tout de même invité à entrer et on te mena jusqu'au salon. Ton corps te lançait, surtout tes côtes qui avaient pris cher. Deux antidouleurs plus tard, et voilà que tu t'étais assoupi, la tête dodelinant en arrière.