Harmoney Fondateur PNJ
Messages : 144 Date d'inscription : 18/11/2014
identité ♥ J'occupe le poste de : Divinité Créatrice de FK et ici je blablate à propos de moi: et ici je te parle de mes aventures:
| Sujet: I should've worshipped him sooner, if the heavens ever did speak Ven 7 Sep - 1:45 | |
| - :: Lysander 1 :
Ses talons claquaient contre le pavé froid d’une Londres ensommeillée et, engoncée dans son manteau - comme si le froid pouvait l’atteindre - Lysander se rapprochait du Tate, les papillons à peine retenus en cage dans le creux de son ventre. L’angoisse de l’échec, l’appréhension du levé de rideau, la Sangsue avait beau être rôdée, elle ne pouvait s’empêcher de ressentir ces mortelles sensations. Pour autant, elle aurait du mal à s’en passer ; elle se raccrochait à ces réminiscences de mortalité, d’humanité, et avait l’impression presque familière d’être encore sur cette Terre pour quelque chose.
Saluant les vigils à l’entrée du Musée, la blonde se frayait un chemin vers ses quartiers, une dernière fois, avant l’ouverture de l’exposition. L’idée avait paru saugrenue, d’abord, avant de finalement faire unanimité : le vampire, incapable de parcourir le musée le jour durant, devait bien se rendre utile d’une façon ou d’une autre et connaître au moins une fois l’effervescence d’un musée animé. Aussi, faire une exposition, de nuit, avait le mérite d’allier l’utile à l’agréable, pour Lysander. Séparée de son manteau et parfaitement tirée à quatre épingles, la ‘quadragénaire’ marchait maintenant dans les allées du Tate en terrain conquis, comme s’il s’agissait de terres rudement gagnées au prix de sang et de sueur. Il fallait dire qu’elle avait l’impression d’être chez elle, ici, flirtant avec des toiles qu’elle connaissait par cœur pour les avoir vu prendre vie sous les pinceau de leurs créateurs… Pour avoir vu l’histoire de la peinture se dessiner sous ses yeux d’Immortelle. Ah, ce qu’elle aurait donné pour côtoyer encore son vieil ami, son confident, son mentor, ce vieux Turner. Elle avait voulu lui offrir l’immortalité mais, lui, n’y avait vu qu’une malédiction. Il aurait pu passer l’éternité à peindre, encore et toujours, mais il avait assez caressé de toiles à son goût. Ce fut une bien triste perte pour Lysander qui avait appris à ce se contenter de garder le souvenir intarissable d’un homme jovial, au travers des toiles qu’elle exposait ce soir. Et, bien que Turner ne fut pas le seul en ‘représentation’ ce soir, il y avait dans la galerie bien plus d’œuvres et de croquis de cet homme que de n’importe qui d’autre.
Jetant un coup d’œil à sa montre, la suédoise constatait enfin que le bruit qui commençait à s’élever dans le grand Hall sonnait le début de sa toute première entreprise au sein du musée. « Gary ? » - elle chercha un instant son acolyte, inquiète de ne pas l’avoir vu à son arrivée. – « Yes m’am ? » Il sortit de l’ombre, la chemise à peine rentrée dans son pantalon et l’air fatigué placardé sur ses traits de bon vivant. Lysander ne put retenir un sourire amusé, se rapprochant de lui et lui donnant un léger coup d’épaule. « Are you serious ? Did you sleep in our office, dear ? Please tell my you didn’t drool all over my files… » Le jeune homme, qui n’entamait pas encore ses trente ans, rit, rougissant à peine alors qu’il se passait une main contre la nuque. « Aye, don’t be an ass, would you ? I’m not used to be awake at this hour unless I’m drunk. » - il bailla, s’étirant lourdement avant de remettre sa chemise en place. – « You’re lucky you slept all day long, bloodsucker. » Étrangement, l’insulte avait quelque chose de rafraichissant aux oreilles de Lysander et elle ne put que sourire davantage. La discussion aurait pu durer encore longtemps, si les premiers visiteurs n’entraient pas déjà dans l’aile aménagée du Tate Britain. « Let’s go, Lysander. Let the fun begin. » L’étrangère pouvait presque sentir tout son corps s’éveiller au rythme des fourmillements qui lui prenaient les membres. La stature imposante, le port de tête presque suffisant, Lysander était prête à accueillir les curieux, prête à répondre à toutes les questions s’il le fallait.
Comme un mur en plein visage, comme la foudre au travers de son être, Lysander se figea, serrant entre ses doigts et d’une force peu naturelle la main de son collègue. « Liam. » Ce mot, ce nom, étranglé dans la gorge du vampire n’était pas inconnu aux oreilles de Gary. « What ? What’s wrong ? » Relâchant son emprise sur la dextre du jeune homme, Lysander tournait maintenant le dos à l’entrée de l’exposition alors que Gary regardait la foule, suspicieux. Et, si on ne connaissait pas la vampire, l’on aurait pu croire que tout allait bien, que son visage, impassible, ne trahissait rien. Pourtant, dans le bleu voilé de ses yeux, Gary, lui, pouvait voir les démons de la Sangsue prendre vie. Il l’avait rarement vue dans ces états et pourtant, il ne pouvait rien faire pour l’aider, pas plus que Lysander ne pouvait prendre congés dans son bureau. Inspirant plus que nécessaire – et comme si elle en avait besoin pour survivre – Lysander refit face à la foule qui grossissait dans l’allée devant elle. « Let’s pretend everything’s fine, okay ? » Sa voix avait repris son ton habituel et elle avait – grâce à ses deux siècles d’existence – pu reprendre contenance en un battement de paupières. Pourtant, son regard se reposa une fois encore sur le spectre d’un autre temps et l’on aurait pu croire qu’elle voyait un fantôme. Le temps semblait s’étirer jusqu’à se suspendre et Lysander revit brièvement, dans le flot de souvenirs qui s’écrasait contre son crâne, les étreintes passionnées et les soupirs lascifs qu’elle avait partagés avec le jeune homme disparu et qui se tenait maintenant - et avec une ironie presque criarde - à quelques mètres d’elle. Et, si son existence lui avait certes appris à tempérer ses ardeurs et ses humeurs, il y avait toujours des instants, comme celui-ci, où la Låndström devait se faire violence pour tenir en laisse la rage qui déferlait dans son sang. Liam, ce pantin, cet homme qui aurait du être sans importance pour elle, elle ne savait plus, à présent, si elle voulait le frapper ou se jeter dans ses bras. « Tell me if you need anything or if you want me to kick him out, okay ? » Seule certitude : la nuit allait être interminablement longue et la seule chose qui rassurait la dents-longues était l'étreinte de Gary sur son avant bras.
- :: Liam 1 :
Ce que ta frangine pouvait être pénible, franchement. Qu’elle ait acheté un ticket hors de prix pour une exposition nocturne, soit. Elle était majeure, la manière dont elle dépensait son fric ne regardait qu’elle. Qu’elle se rende compte la veille qu’elle ne pourrait assister à cette satané exposition, bon, c’est dommage, d’accord. Mais en même temps, quand on claque son fric sans regarder si y a pas déjà un truc noté dans le calendrier, faut pas s’étonner qu’il arrive des bricoles. Que le billet ne soit pas remboursable, bah, t’en as rien cirer, comme du reste, même si au fond de toi tu trouves ça vraiment triste que cet argent brûle comme ça. Mais c’est pas le tien, et encore heureux. Tu n’auras quand même jamais ce montant devant toi. « It’s my day off, grondais-tu dans le combiné. I wasn't planning to munch zakouskis while wandering between two old paintings and a statue… chill and netflix, you know ? » Mu par l’habitude, tu éloignas de quelques centimètres le téléphone de ton oreille, histoire de préserver tes tympans. « LIAM CATHBAD CIMBAETH, YOU LITTLE BRAT ! It's an unique exhibition, and we DO NOT eat in front of paintings ! Verboten, you understand ? AND WE SAY “PETITS FOURS”, PE-TITS-FOURS. » Qu’importait, en réalité. Au final ce ne seraient que des trucs décongelés, sortis d’une boîte et flanqués dans un four. Seule la présentation changerait. Au lieu de les présenter sur une assiette avec une armée de serviettes, un type payé pour tiendrait un joli plateau en distribuant des cuillers spéciales et ridicules. Mais tu connaissais son amour immodéré pour ces petits trucs de pâte feuilletée, et elle t’en voudrait pour sûr à mort si tu n’y allais pas. Rater les petits fours d’une expo hors de prix, ça équivalait à la damnation éternelle pour elle. Ou la tienne, si tu ne lui faisais pas vivre par procuration cet évènement qui s’annonçait d’ores et déjà chiant à mourir. « Alright, alright… give me your fuckin’ ticket. » Il y eu un silence à l’autre bout du fil, puis la voix soupçonneuse de ta frangine s’éleva. « You don't protest anymore with your usual “What a drag” ? Are you sick ? » « I was planning to, but you didn't give me time. »
Fin d’après-midi, ta soeur avait déboulé dans ton appartement, complètement hystérique, une enveloppe dans une main et une immense housse dans l’autre. Tu avais immédiatement commencé à craindre pour ta vie en voyant la housse car, peu importe son contenu, ce n’était que la promesse d’une longue et douloureuse séance d’essayage. Lente, parce que forcément tu n’y mettrais pas du tien, et douloureuse parce que ta soeur était une véritable terroriste avec une aiguille de couture dans les mains, même si son talent était indéniable. Une heure plus tard, tu étais engoncé dans un smoking bleu nuit, vestige de la garde-robe de ton père adoptif que ta frangine adoptive venait de mettre patiemment à ta taille, si bien que l’on aurait pu croire qu’il avait été fait par un tailleur. Puis elle te mit sans ménagement à la porte de ton propre appartement, le billet en main et ton portefeuille dans la poche.
Le Tate, ce n’était clairement pas la porte à côté, mais soit. Tu avais promis à la frangine, alors tu irais. Le temps d’avaler un ou deux trucs en pâte feuilletée, canapé, p’tit four, peu importe comment elle appelait ces trucs, et puis tu t’en irais. « Pfff, troublesome sister… what you make me do. » Et sur ces mots, tu présentas ton ticket avec un sourire ennuyé sur le visage, puis entras dans le musée. Tu en l’avais jamais visité, premièrement parce que l’art ça te gavait sévère, deuxièmement parce que ce n’était clairement pas de ton standing. Toi, tu étais bon pour visiter des marchés de Noël bruyant, pas pour marcher sur des oeufs dans des musées affreusement silencieux. Ça te hérissait le poil, vraiment. Tu fis quelques pas dans le hall et ton regard remonta le long de l’escalier central. Autant l’exposition ne t’intéressait pas plus que ça, autant tu te disais que tu pourrais flâner un peu, histoire d’admirer l’architecture. Ton regard passa sur un couple un peu plus loin, et tu surpris le regard de la femme posé sur toi un bref instant avant qu’elle ne se retourne. Quelque chose se déclencha en toi. La peur. Tu sentis tes poils se hérisser et tu fus forcé de tourner le regard. Dès qu’ils ne furent plus dans ton champ de vision, ton coeur se calma et la peur s’envola, mais cela t’inquiéta d’autant plus. Sérieusement, c’était quoi cette réaction ? Du coup, pour oublier, tu fis comme d’habitude : tu fis l’autruche. Te concentrant sur les toiles affichées au mur, tu fis de ton mieux pour oublier, pour faire comme s’il ne s’était rien passé. Faire comme si croiser le regard d’une parfaite inconnue ne t’avait pas gelé le sang. « It's really blurred or I missed the 3D glasses ? » Non, vraiment, tu ne comprenais rien à l’art...
- :: Lysander 2 :
De longues minutes s’étaient égrainées, rapprochant chaque mortel vers leur inéluctable fin. C’était devenu étranger, totalement abstrait pour Lysander, qui, serrant la main de Gary dans la sienne – sans l’écraser pour autant – tentait encore de retrouver son calme olympien habituel. Si les autres ne voyait rien d’étrange dans son comportement, l’immortelle savait parfaitement que son collègue voyait clair en elle. Peut-être trop, tellement trop d’ailleurs ; sous son regard attentif et inquiet, elle se sentait vulnérable, quasiment nue. « Hey, it’s okay, Lys’. » Ce surnom l’arracha à sa torpeur et Lysander braqua son regard dans celui, presque amusé, de son assistant. Il pouvait bien l’appeler la « suceuse de sang », le « cadavre qui marche » ou par d’autres foutaises encore, rien, rien ne l’agaçait plus que quand on écorchait son prénom. « No. No Gary, it’s not… » Reposant son regard vers Liam, elle remarquait alors qu’il lui tournait le dos. Il n’avait pas cherché à fuir, non, ni même à venir lui parler, mais sa réaction était encore plus glaçante encore. Quand leurs regards s’étaient croisés – pour une fraction de seconde à peine – Lysander n’avait rien vu, rien, dans son regard jadis si expressif. Rien à part une peur superficielle qui n’avait rien de ‘naturel’. La gorge du Vampire se nouait tandis qu’elle tournait une nouvelle fois le dos à l’exposition, se blottissant presque contre Gary. Dans le regard autrefois si profond et plein d’admiration du jeune homme dansait aujourd’hui une toute autre lueur… Les yeux clos, Lysander frémissait, ressentant jusque dans ses trippes une angoisse qu’elle ne comprenait pas : il lui semblait que Liam, ce Liam, n’était pas celui dont elle s’était un jour éprise… Non, celui-là l’avait regardée comme si c’était la première fois, comme s’ils n’avaient jamais partagé les étreintes passionnées d’une liaison biaisée. Respirant un peu trip fort, un peu trop vite, l’Immortelle avait presque le tournis, comme si elle hyper-ventilait, comme si respirer avait une quelconque incidence sur son existence. Comme si, cette impromptue rencontre lui avait rendu son humanité, comme si Liam avait une emprise, lui aussi, sur elle.
« Why the fuck would he be here ? And why on hearth would he avoid me now ? » — La surprise et la douleur laissèrent place à la colère : en un instant, le masque froid glissa à nouveau sur les traits figés de Lysander. Elle se redressait, elle reprenait la situation bien en main. Après tout, elle était ‘chez elle’, ici. Sur un territoire, dans un cadre qu’elle connaissait sur le bout des doigts. Elle en connaissait toutes les issues, les membres de la sécurité et tous les protocoles qui faisaient tourner les engrenages de cette énorme mécanique. Soit. S’il fallait forcé Liam à la voir en face à face, elle le ferait, moyennant une excuse ou deux. « Give me your phone, Gary. » Nul doute que Liam avait changé de numéro, nul doute, aussi, que Lysander aurait besoin de plus, bien plus que du téléphone de son assistant. « Do we have something like a random draw ? I need a reason to ask for his phone number… Or maybe… » Elle réfléchissait, ses méninges fumant presque dans sa tête blonde alors qu'elle rendait son téléphone à son acolyte. Sourcils froncés, posture rigide, elle fit à nouveau face à la salle, cherchant à nouveau le jeune homme du regard. Une fois localisé, elle soupira, pour se donner du courage, avant de revenir vers Gary. « Go to the security and ask them if they can give us his ticket number. » On aurait pu la croire en croisade tant elle avait l’air excitée par ce qu’elle s’apprêtait à faire. Elle se sentait puérile, mais vivante, si vivante dans cette entreprise qui avait tout l’air d’une mission de ce Band. Bond. Whatever. « And then come back here and send him to my office. I’ll join you. » Elle murmurait, penchée vers un Gary perplexe, mais assez intelligent pour comprendre qu’il ne fallait pas lui dire non. Pas ce soir. Pas quand le fameux Liam était ici. « You’re inbelievable… I’ll be back. »
Le regardant partir, Lysander se détendit, reposant ensuite ses iris acier sur ce pauvre Liam. Etait-ce au moins lui ? Derrière son costume – parfaitement taillé, au demeurant – l’immortelle devinait ses courbes anguleuses, ses muscles longilignes et son derme qu’elle savait doux, exquis sous la pulpe de ses doigts. Ce ne pouvait être que lui. Sans même s’en dissimuler, elle l’observait, l’admirer, tout en attendant avec une impatience grandissante que Gary revienne. Et, plongée dans sa contemplation, elle ne le vit pas revenir avec un papier dans la main. « Here it is. » - un sursaut, une main sur le cœur déjà mort et un regard glacier après, Gary repartit vers Liam, cette fois-ci. – « You're so tense, calm down... » Se moquait-il à moitié d'elle ? « Hurry ! » L’immortelle avait beau ne pas avoir chronométrer sa vie, il lui arrivait parfois de ne pas supporter de laisser les secondes défiler. Alors, elle prit les devant, retournant dans son bureau pour attendre le jeune homme. Il serait peut-être surpris, peut-être affolé, peut-être colérique, mais elle exigerait des réponses. Des réponses à ces questions qu’elle s’était posées, avant de les laisser disparaître dans un coin de sa psyché.
Refermant le lourd pan de bois derrière elle, elle s’assit, profitant du calme avant la tempête qu’elle savait, qu’elle pensait inévitable. Se servant un verre de vin – insipide certes, mais elle avait du mal à se défaire de certaines habitudes – elle en prit une lampée avant de reposer son verre et de faire les cent pas. « Is it that hard to convince him ? » Un nouveau soupire, une main passée dans ses courtes mèches blondes et enfin, enfin on frappait à sa porte. « Come in. » Sa voix, claire et autoritaire, brisa le silence quasi religieux de son bureau. Gary entrait, tête baissée, s’effaçant pour, elle l’espérait, faire entrer Liam à sa suite.
- :: Liam 2 :
Clairement, tu ne sentais pas à ta place. Les musées, les réceptions champagnes et zakouskis petits fours, c’est pas ton trip, ni ton truc. Tu te sentais affreusement gauche, ainsi planté devant une toile de maître qui ressemblait plus à tes débuts sur photofiltre avec la gomme magique qu’à un paysage, ce qu’était censé représenter le truc flou sous tes yeux si tu en croyais l’élégante petite carte clouée à côté. Trempant les lèvres dans la coupe de champagne que tu avais attrapée quelques minutes plutôt, bénissant le serveur qui était passé par là, tu te rendis compte que tu allais probablement passer ta soirée à siroter du champagne et à attendre la bouffe, tout ça pour faire plaisir à la frangine. Mais on ne t’y reprendra plus, tu y comptes bien.
À nouveau, tu tournes la tête, les yeux dans le vague. En réalité, tu cherches l’étrange couple de tout à l’heure. Ils ont bien vite disparu, mais tu continues à te torturer les méninges. Tu sais pertinemment bien qu’il y a des gens qu’on piffe pas, et ce dès le premier regard, mais là c’était différent. C’est de la peur qui s’est éveillée en toi. Pourtant, si tu étais sincère, ils n’étaient pas impressionnants. Enfin, l’homme, certainement pas. La femme était élégante, clairement, et avait ce regard caractéristique des personnes de caractère, qui savent ce qu’elles veulent et feront tout pour l’avoir. Mais croiser son regard t’a hérissé le poil, et tu ne comprends pas ta réaction. Ton regard effleura donc une nouvelle fois la foule, vaguement, sans s’arrêter sur le visages, mais ils avaient disparu de ton champ de vision. Tant mieux, en soi. Tu n’étais pas certain de comment tu réagirais en leur présence. Déjà que de loin ça t’a foutu la chair de poule, alors de près…
Tu reposes ta coupe vide sur un plateau, la gorge sèche. T’as intérêt à être clean demain matin, quand Phryne te sautera dessus à la première heure pour que tu lui décortiques le menu zakouski de luxe. Si t’as la gueule de bois, elle saura qu’il y a eu un truc, et comme toujours elle te tirera les vers du nez. Tu aimes boire, c’est certain, mais tu n’es pas vite ivre, et encore moins mort bourré. Alors, forcément, ça ne passera pas inaperçu. « Tch. What a drag. » Mais ça ne t’empêcha pas de t’emparer d’une nouvelle coupe. Il faut dire qu’il est rudement bon. C’est pas comparable au cava premier prix que tu chopes pour l’anniversaire de la frangine, hein.
Alors que tu portais ton verre à tes lèvres, une main se posa sur ton épaule. Tu faillis presque sauter au plafond, surpris. Tu ne t’étais pas rendu compte que tu étais fébrile, sur les nerfs, jusqu’à ce moment. « Er, sorry. I didn’t hear you. What can I do for you ? » Tu reconnus le compagnon de la femme aux yeux si perçants, et tu fis de ton mieux pour ne pas déglutir comme un vulgaire fautif. Quelques mots échangés à voix basse et tu fronçais les sourcils. On voulait te voir ? Mais pourquoi ? Avais-tu dépassé la limite réglementaire d’une coupe de champagne par personne ? Avait-on remarqué à quel point tu n’étais pas dans ton élément ici ? Probable. Mais on ne foutait pas les gens à la porte pour si peu… si ?
Serrant le pied de ta coupe de champagne à en faire blanchir tes jointures, tu te recomposas un visage nonchalant, et le suivi d’un pas souple dans les couloirs, vous éloignant de l’exposition et son brouhaha feutré. Une voix que tu auras d’emblée jugée autoritaire vous fit entrer, et il se mit à geler en enfer. Toute la chaleur déserta ton corps tandis que tu te tenais là, face à cette femme dont tu avais croisé le regard à ton arrivée. Ton premier réflexe fut de porter ta coupe à tes lèvres pour avaler une gorgée et essayer de t’étouffer avec, mais tu t’interrompis à mi-chemin. La peur était de nouveau là, insidieuse. Mais il y avait autre chose, et du diable si tu savais quoi. « Em… did I drink to much champagne ? » Non, vraiment, tu bloquais. Du coup, plongeant la main dans ta poche dans uen vaine tentative de rester nonchalant, tes doigts effleurèrent du papier froissé, ton billet que tu avais fourré dans ménagement dans ta poche à ton entrée. L’extirpant, tu vis le nom de ta très chère soeur s’étaler en grandes et élégantes lettres sur le papier. Oh, bien sûr. Tu allais la tuer, dès demain. Ils pensaient probablement que tu avais volé ce billet. Ou quelque chose du genre. « I assume you’re from the security ? If it’s about my ticket, it’s nothing to worry about. My sister purchase it for her, so it’s why it’s not my name on it, but she wasn’t able to come tonight, so she gave it to me. » Tu lui aurais bien expliqué l’amour aussi surnaturel qu’immodéré de Phryne pour les petits fours mais ça ne concernait pas vraiment le service de sécurité. Sortant ton portefeuille, tu fouillas un instant après ta carte d’identité. « See ? I’m Liam Cimbaeth. Phryne Cimbaeth is my elder sister. » Comme aucun des deux n’avait encore pipé mot, tu avais tout déballé d’une traite. Tu mourrais d’envie de sortir d’ici, de ce bureau, de ce musée. Peut-être que ton empressement à te justifier te rendait encore plus suspect, mais ton radar à emmerdes gueulait, toutes sirènes dehors, et ça te flanquait une migraine de dieu le père, sans parler de ce sentiment de peur qui rampait le long de ta colonne vertébrale, froid et visqueux. Tu ne parvenais même pas à regarder la femme dans les yeux. « Please, what’s wrong ? »
- :: Lysander 3 :
Pluie diluvienne contre un verre trop fragile, pénombre orageuse et grondement sourd, la tempête régnait en régente dans un paysage érodé, délabré par des années, des siècles d’une histoire trop peu contée. Et, illustre comédienne qu’elle était, Lysander cachait bien cet orage qui avait pris place dans sa caboche, alors que ses traits, eux, ne trahissaient rien de son état émotionnel. Rarement elle avait été si près de perdre son sang-froid et de laisser s’échapper la noirceur innée des gens de son espèce et, pourtant, ce soir faisait partie de ces rares ‘occasions’ où la bête cherchait à prendre le pas sur l’Homme, ou du moins sur ce qu’il en restait. Et aussi ironique que cela puisse paraître – ou pas d’ailleurs quand on y pensait – la seule chose qui lui permettait de ne pas perdre pied était de contrôler, maitriser cette respiration bien superflue et inutile qui la rattachait, qui l’ancrait dans une humanité qu’elle sentait lui lisser entre les doigts depuis la fameuse morsure qui, entre autres, l’avait privée d’un Soleil qu’elle avait tant aimé.
Elle aurait pu maudire son état, sa nature, si elle n’avait pu. Devant le jeune homme qui était entré dans son bureau, elle ne savait plus quoi penser : son humanité aurait pu arranger tant de choses aux yeux de Liam, ne pas biaiser leur relation, alors que cette nuit, elle remerciait à moitié son Immortalité tandis qu’elle pouvait se poser face à lui et garder une stature de marbre et des traits d’une impassibilité surnaturelle. Du coin de l’œil, elle aperçut Gary se glisser au dehors et les laisser seuls, fermant derrière lui une porte, les enfermant dans un huit-clos que Lysander appréhendait au moins autant que le jeune mortel devant elle. Déjà il s’agitait, fouillant dans ses poches, dans son portefeuille alors que Lysander n’entendait pas ses mots. Ils lui parvenaient comme de lointains murmures entrecoupés de plaintes, comme si elle avait la tête sous l’eau et comme si elle ne parvenait pas, encore, à cesser de fixer son hôte. D’une main fébrile et presque lasse, elle prit ce qu’il ne lui tendait pourtant pas. Et, inscrits en lettres moqueuses, son identité lui était crachée au visage. Non… Non, ce n’était pas Liam, pas son Liam, celui qu’elle avait foutu sous sa coupe, celui qu’elle avait rendu fou de son sang et fou de ses étreintes. « Oh… Well I see. » - elle se retint d’y apporter sa touche habituelle, son ‘young man’ qui mettait en place, jadis et si facilement, leur routine charnelle.
Reprenant ses esprits, elle lui claqua un sourire qui se voulait charmeur, tout en contournant le jeune homme d’abord – sa main libre se glissant nonchalamment contre les épaules de Liam, par habitude – puis son bureau pour s’y asseoir. « Don’t worry dear, you’re not in trouble. » Elle réfléchit, le plus vite possible, tout en se maudissant, cette fois, de ne pas avoir pensé plus tôt à un plan, à un moyen de l’avoir pour elle seule, entre d’autres murs que ceux du Musée. Et, alors qu’elle le regardait distraitement, son ordinateur revint à la vie dans un ronronnement diffus. « Please, take a sit. » Autrefois, la plus simple des directives, l’ordre le plus dérisoire était accueilli par un sourire mutin et Liam lui servait sa merveilleuse obéissance… Ce soir pourtant, elle ne savait pas à quoi s’attendre de lui, de cet étranger dont elle tenait encore la carte d’identité entre ses mains opalines. En y regardant de plus près, elle ne put que constater, alors : si son nom de famille changeait, le second prénom qu’il arborait était un signe qu’il s’agissait bien de son amant. Que c’était-il passé alors ? Pourquoi ne la reconnaissait-il pas ? Elle voyait bien dans ses yeux qu’il y régnait une sincérité à vous déboussoler et que, clairement, il ne simulait pas cette ignorance qui aurait du la faire rugir de colère. Qu’avait-on fait à son Boytoy ? D’une façon ou d’une autre, il lui faudrait savoir, creuser encore pour avoir les réponses que le jeune homme ne devait même pas être en capacité de lui offrir. Et puis… « Have we met, dear ? » - elle pouvait bien essayer, au moins… - « I have this lingering feeling that I already know you somehow… » Elle le regardait, trônant dans son large fauteuil. S’il fallait reprendre de zéro, soit.
Elle laissait de côté sa rage et surtout, son envie de se jeter sur le jeune homme pour le secouer et faire remonter en lui des souvenirs qu’il avait vraisemblablement enfouis. Mais, pauvre petit louveteau, Liam avait déjà l’air d’être effrayé et loin d’elle l’idée de le faire fuir à nouveau… En le voyant arrivé à l’exposition, Lysander s’était déjà promis de faire amende honorable et de réparer les erreurs qui les avaient conduits à cette séparation qu’elle n’avait jamais souhaitée. Alors, si le jeune homme n’avait plus aucun souvenir d’elle, elle avait d’autant plus envie de ne plus commettre les mêmes fautes et de regagner sa confiance, hell, son affection de la plus juste des manières. « Oh, I’m Lysander by the way. » Elle lui offrit un sourire poli, plutôt que son rictus carnassier qu’elle lui avait si souvent servit. Et, revenant finalement à la charge, elle se retint de rire avant de poursuivre. « And you’re here because you won… » - faisant mine de chercher sur son écran, elle s’arrêta enfin que une ligne à tenir – « A weekend in the countryside. All expenses paid. » Désespérée qu’elle était de passer du temps avec Liam, elle était prête à tout payer, à vendre jusqu’à sa dernière chemise – ou presque – pour arriver à ses fins. « But of course, since you came here and not your sister, you’ll be the one attending this… Event. » Croisant ses jambes sous son bureau, elle lui sourit une nouvelle fois en lui redonnant enfin cette carte d’identité qui lui brûlait presque les doigts. « I hope you’re not worried anymore dear. » Elle rit doucement, se redressant sur son fauteuil et voulut prendre son téléphone avant de se raviser ; l’acte ne devait pas paraître personnel. Sortant une feuille vierge, elle la lui tendit, tentant de contrôler le léger tremblement qu’elle sentait dans sa dextre fébrile. « I’ll need your phonenumber and your adress… To send you the details for your trip and choose the date, of course. » La posture presque politicienne de Lysander ne trahissait pas, là encore, les tumultes de son état. Elle priait pour qu’il accepte, pour qu’elle puisse comprendre. Comprendre enfin ce qui l’avait poussé à disparaître ainsi. Dans un coin de sa tête, néanmoins, elle se promit de mettre la main sur cette sœur ; depuis quand faisait-elle partie de sa vie, pourquoi, et surtout, que s’était-il passé depuis ‘l’évasion’ du jeune homme ? Si Liam baignait dans ce simulacre de mensonge, elle, au moins, devait en savoir plus sur cette honteuse mascarade.
- :: Liam 3 :
Tu étouffais; tu aurais pu être plongé dans un bassin glacé, la tête sous l'eau, tant l'impression de froid et de terreur te tordait le ventre. L'homme qui t'avait accompagné avait mystérieusement disparu, te laissant seul avec la femme, dans ce bureau trop grand, trop propre, trop lumineux. Tu te sentais terriblement gauche avec ton verre de champagne à moitié entamé, ton costume retaillé et tes cheveux qui, soigneusement peignés avant ton arrivée, reprenaient déjà leur fouilli habituel. Probablement parce que tu ne cessais de passer nerveusement ta main dedans.
Le silence se fit, assourdissant. Elle ne disait rien, se contentant d'observer ta carte d'identité, le visage impassible. Tu te serais écouté, tu aurais commencé à te dandiner nerveusement sur place, mais rien qu'à l'idée, la voix moqueuse de ta sœur retenti, car elle ne supportait pas que tu fasse ça. Alors tu te tins tranquille, un peu coincé, limite un peu robot. Sa main frôlant ton épaule te tordit le ventre, mais pas de peur comme précédemment. Non, c'était de l'anticipation. Quelque chose en toi reconnaissait ce toucher, et ça t'effrayait. Bon dieu, tu étais capable de te gérer, depuis quand le frôlement d'une main féminine te mettait plus bas que terre ? Tu ne parvins pas à te détendre quand elle t'assuras que tu n'avais rien fait de mal, malgré le fait qu'elle soit assise derrière son bureau, malgré le fait que ce bureau soit entre vous, tel un infime mur vous protégeant l'un de l'autre, malgré le fait que son ton se veuille rassurant. Puis elle t'invita à t'asseoir, et l'hésitation dû se lire clairement sur ton visage. Mais songeant que ce ne serait pas poli de refuser, tu obtempéras et fis de ton mieux pour ne pas rester sur ta chaise du bout des fesses, pour ne pas avoir la tête de la biche devant les phares, de ne pas être le lapin devant le loup. Parce qu'elle n'était pas un loup et tu n'étais pas un vulgaire lapin. Même ta vie sexuelle ne pouvait te faire qualifier de lapin. Ahem. Pardon, je m'égare. Reprenons.
Tu étais donc assis face à elle, à ce bureau beaucoup trop grand, dans cette pièce beaucoup trop grande mais qui t'étouffait. « I don't think we had that… pleasure. » Tu butais sur les mots, bêtement. Et tu n'allais certainement pas lui avouer que tu avais toi aussi cette sensation. Tu ne voulais pas lui donner l'impression de la draguer, ou entrer dans la danse. Tu ne savais pas encore ce qu'elle te voulait, alors mieux valait rester prudent. Déposant ton verre sur le bureau en priant pour que la condensation ne laisse pas de trace, tu eus enfin les mains libres, libre de croiser les bras, histoire de te donner un peu contenance.
Lysander. Lysander. Tu aurais été seul, tu aurais peut-être fait rouler ces quelques syllabes sur ta langue, juste pour voir ce que cela faisait. Tu connaissais ce nom, tu le savais, mais tu ne savais d'où. Tu ne l'associais à aucun visage, à aucune voix, à aucune histoire. « Nice to meet you, Lysander. » Qu'est-ce que tu aurais pu dire d'autre ? Non non non, tu ne voulais même pas penser à ce que tu aurais pu dire d'autre, parce que cette langue traîtresse qui était la tienne aurait encore pu sortir tout et n'importe quoi.
Un… un quoi ? Un week-end tous frais payés ? Phryne allait te ma-ssa-crer. Sans préavis. Déjà qu'elle était verte de ne pas avoir pu venir, si en plus un tel gain lui passait sous le nez. « I'm… oh…hum. It's really great, but I think my sister should get this prize. I wasn't supposed to be here in the first place, it's not fair for her. » Puis, bon… la campagne, c'était pas tellement ton trip. Enfin, tu imaginais ça comme être coincé dans une ferme entourée de blé avec un vieux couple de fermiers. Tu te serais figuré une balade en forêt et un pique-nique dans la vallée, ça serait probablement mieux passé. Tu ne comprenais pas pourquoi, juste parce que c'était toi qui étais là et non Phryne, ce serait à toi de bénéficier du prix, mais tu ne bataillas pas plus sur le moment. Au pire, tu te désisterais le jour-même et enverrais la frangine à ta place. Retour de bons procédés, bla bla bla. « Oh, no. It's fine, thanks. I'm glad I could attempt a nice week-end outside. » Tu te saisis du bout de papier qu'elle te tendait et fis de ton mieux pour rendre ton écriture lisible. Non que tu sois adepte des pattes de mouches… c'était d'ailleurs carrément l'inverse, tu avais presque une écriture "de fille", tout en rondeurs.
Alors que tu lui rendais la feuille, quelque chose te frappa. Les voyages que l'on peut gagner via des concours ou autres n'étaient-ils pas généralement prévus pour deux ? « Is it a one-guest trip or car I take someone with me ? I don't want to die too early, you know, my sister can be such a pain in the neck when she wants to. » Et tu le pensais vraiment. Rien que le souvenir de cette séance d'essayage où tu avais manqué de finir troué de partout te fila un frisson. Du coup, tu avalas presque d'une traite ton reste de champagne, que tu aurais presque voulu recracher parce que du champagne tiède, c'est vraiment dégueulasse. Tu n'avais pas l'habitude de te sentir aussi démuni face à quelqu'un et ça ne te plaisait pas. Bon sang, pourquoi est-ce que tu te comportais comme une chiffe molle depuis que tu étais ici ? Faisans rouler le pied du verre entre tes doigts pour t'occuper un peu les mains, tu te fustigeas mentalement pour reprendre un peu de poil de la bête et tu te redressas sur ton siège. « Is it all you wanted from me ? I have to go back to the exhibition, my sister wouldn't be pleased if I dared miss the zakou… mini fours. She's crazy about those. » Histoire de tenter de mener la danse finale, tu te remis sur pieds. En plus, tu avais faim, ce que ton estomac ne manqua pas de signifier haut et fort, à ton grand embarras.
Tu fis un pas en arrière, bien décidé à partir, quand soudain… la réalisation. « … I don't recall the way back to the exhibition. » You. Stupid. Boy.
- :: Lysander 4 :
Plongée dans le regard du jeune éphèbe, Lysander ne pouvait voir qu’une douce ignorance. Douce, certes, mais d’une violence brute quand on s’y plongeait. Cela lui glaçait d’avantage le sang d’ailleurs : la colère, la rancune, elle aurait su gérer, répondre et s’étendre en excuses, or là, il n’y avait rien à se faire pardonner puisque l’homme en face d’elle semblait tout à fait sincère ; il ne la connaissait vraiment pas. Jusque là, elle avait cherché à le faire plier, à lui faire avouer qu’il se moquait d’elle et qu’il lui en voulait peut-être trop pour la laisser à nouveau dans sa vie… Pourtant, tout lui faisait comprendre que le Liam qu’elle avait en face d’elle ne portait que le nom de celui qu’elle avait un jour adoré, berné et rendu aveuglément addict… Et, si elle n’avait pas des siècles d’existence et une fierté et un égo à faire rougir Alexandre le Grand, elle pleurerait probablement sur son sort, sur leur sort à tous les deux… L’envie de lui sauter à la gorge — littéralement — lui donnait presque le tournis alors qu’elle devait encore maintenir ce semblant de mascarade. Elle lui rendit son sourire timide alors qu’elle devait se rendre à l’évidence : il n’y avait aucun, aucun espoir qu’il se souvienne d’elle et cette amnésie n’avait rien, absolument rien de naturel. Ce simple fait, d’ailleurs, lui fit grincer les dents. Qui aurait pu lui effacer ainsi la mémoire ? Ce pouvait-il que la douleur et l’addiction du jeune homme l’aient poussé à s’infliger ça à lui-même ?
Ne pouvant plus maintenir le contact — au moins visuel —, elle se détourna, se relevant d’un geste presque trop rapide et trop brusque pour être tout à fait humain. Elle serrait sa mâchoire au point où elle pouvait presque sentir l’émail de ses dents partir en miettes. Elle sentait la colère monter en elle et elle la savait parfaitement puissante et dévastatrice, si elle ne la contenait plus. Pourtant, la voix du jeune homme qui continuait à parler réussissait encore à la garder sur Terre, à l’apaiser un peu, dans tout ce brouhaha émotionnel. Ah ! La vie se foutait bien d’elle, maintenant, lui jetant au visage la seule chose dans sa non-vie qu’elle désirait vraiment mais qu’elle ne pouvait pas avoir, semblait-il. Et ses siècles d’existence n’arrivaient même plus à l’aider ; elle se sentait démunie, impuissante face à de sentiments tout à fait humain. Depuis quand était-elle devenue si faible, si misérable ? Liam. Depuis sa rencontre avec cet Apollon, depuis qu’elle était allée éponger une dette, pour un clan qu’elle avait à peine côtoyé. Sa colère sourde fit place à une rancune qu’elle savait totalement injustifiée. Malgré tout, elle en voulait à ce ‘gamin’ à ce ‘bambin’ de Liam de lui avoir raflé la mise : elle n’était plus en contrôle et même si lui non plus n’avait pas vraiment la main, le fait que Lysander ne puisse plus rien maitriser — ou presque —, dans cette relation, la rendait folle.
Le bruit d’une feuille qui glisse la força à se retourner vers le jeune homme. Les quelques longues secondes qu’elle avait passées à regarder dans les rues de Londres l’avaient légèrement calmée, au moins assez pour se parer encore une fois d’un sourire vide mais crédible. La question de Liam, pourtant, la déstabilisa un instant. Se rapprochant lentement de son bureau et récupérant le papier d’une main fébrile, Lysander contemplait ses options : prendre le risque qu’il ne vienne pas du tout, sans sa sœur, ou l’inciter à la faire venir, pour la rencontrer. Rencontrer cette femme qui détenait peut-être toutes les réponses aux questions de l’Immortelle. Le sourire suivant fut bien plus naturel et sincère. « I’m sure it can be arranged, dear. I’ll let you know if she can come and then I’ll ask you for further informations. » Subséquemment, Liam se relevait déjà, cherchant à fuir la présence de la blonde, à remettre — lui semblait-il — de la distance entre eux. Si ses souvenirs avaient bel et bien disparu, Lysander pouvait deviner que le jeune homme gardait un instinct assez fort pour sentir qu’elle n’était peut-être pas quelqu’un avec qui il fallait rester plus longtemps que de raison… Elle se sentait à la fois vexée — c’était encore une femme, après tout — et intriguée par la puissance d’une magie capable d’arriver à faire ce genre de ‘merveille’.
Les mots suivants de son calice éveillèrent un instant les fièvres éhontées de la dents-longues. Elle lissa alors se glisser sur ses lippes un sourire presque carnassier. « All I wanted from you ? » — elle rit pour la première fois depuis le début de cette étrange soirée avant de se glisser derrière lui pour poser une main volatile contre son épaule. « I can’t say that, can I ? I’ll let you know later, dear. » Il ne se rendait pas compte, le jeune éphèbe, de la portée qu’avait pu avoir ces mots, quelques mois plus tôt. Elle se dirigea ensuite vers la porte close de son bureau ; une dernière halte devant le double-pan de bois et sa poigne un peu plus forte, Lysander fit face au jeune homme, se pressant presque contre lui, bien malgré elle. « Don’t worry, dear, I’ll show you the way. » Elle avait murmuré, pris le temps de s’imprégner à nouveau de son odeur, juste assez pour être presque rassasiée, après ce ‘shot’, mais pas assez, tellement pas assez pour pouvoir le laisser filer encore une fois. Elle pouvait sentir son sang courir dans son corps, son cœur battre dans cette poitrine contre laquelle elle avait, tant de fois, posé sa joue. « I wouldn’t want you to get lost. Not after all this time… » Elle s’était retournée, les derniers mots glissés plus pour elle que pour lui alors qu’elle avait le regard perdu, à mille lieux d’ici. Et, si elle avait fini par ouvrir la porte, si elle s’était détournée du jeune homme pour s’engouffrer dans un des innombrables couloirs du musée, elle n’avait pas manqué de prendre la main de Liam dans la sienne. Sa chaleur lui avait manqué, tout autant que l’impression latente qu’il lui appartenait. Et au fond, elle l’espérait encore : il finirait de nouveau par lui appartenir, entièrement, pleinement. Voilà bien longtemps qu’elle ne s’était pas sente si possessive, mais l’adage dit bien « Chassez le naturel, il revient au galop. »
Pénétrant à nouveau dans la grande aile accueillant l'exposition, Lysander rapprocha Liam d'un homme portant un plateau pour l'en délester et le tendre à son ancien amant, exhortant au serveur d'aller voir plus loin ou de se refournir. Elle n'avait pas lâché la main du jeune homme jusque là, pourtant, il fallait bien qu'elle se fasse une raison ; elle ne pouvait pas passer la soirée ainsi ou lui donner d'autres raisons de la fuir d'avantage. « I must leave you, dearest. I'll call you soon... » — elle n'avait vraiment, vraiment pas envie de le perdre de vue à nouveau ; ou de le perdre, tout simplement. Elle s'arracha non sans mal à l'étreinte qu'elle lui avait imposée et lâcha finalement la main, lui adressant un sourire lourd de ses regrets, et si lourd d'une affection que Liam ne lui retournerait pas, pas ce soir et peut-être plus jamais, d'ailleurs. Et, même si elle savait que cela allait bien au-delà d'un rapport entre deux inconnus, elle se hasarda à déposer un baiser contre sa joue (ah, elle ne put s'en empêcher, de toute évidence...) avant de caresser cette même joue d'un pouce affectueux. « I'm glad you came tonight. And I'm glad you won that weekend. » La mascarade, toujours et encore cette mascarade, les excuses pour pouvoir le voir, juste une fois, même si c'était la dernière.
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